Sculptures- photographies – collages , Galerie Mémorias, octobre 2009, Bruxelles.
Un jour j’ai retrouvé au fond de mon atelier des outils et des peaux de crocodiles que mon père maroquinier, disparu en 1992, m’avait laissé. Les cuirs, leurs textures et leurs odeurs typiques, ont alors suscité en moi des envies de bricolage. Je me suis souvenu aussi de certains mots prononcés et répétés par mes parents. Ils parlaient de retouches et de réparations à effectuer pour les clients . Mes parents prenaient-ils conscience que ces paroles pouvaient aussi réveiller leur propre souffrances de juifs cachés et qui réclamaient réparations.
Je partage avec mon plus ancien ami Boris Lehman, son père était fourreur, le souvenir commun de cette même phrase souvent répétée par nos parents: » Un client est venu nous demander de faire des retouches et des réparations ».
Son fim qu’il a réalisé et qui montre mon travail c’est tout naturellement intitulé comme l’exposition à la gallerie Memorias en 2009,
« RETOUCHES ET RÉPARATIONS »
Aujourd’hui je me dis que le sens de ces demandes n’avait finalement pas dû échapper aux artisans juifs survivant de la Shoah qui, ayant tout perdu, devaient pour survivre tant réparer.
Cinquante années plus tard, les outils de mon père, les immenses peaux de croco et peut-être aussi ces mots à double sens ont engendré d’étranges figures de cire. J’ai peut-être voulu à mon tour retoucher et réparer quelque chose. J’ai repris en main ces outils pour façonner des êtres de cire arrêtés sur modelage, photographiés et soutenus par ces immenses peaux sur lesquelles j’ai aussi peins des figures à
« BOUT DE SOUFFLE »
Le psychanalyste Daniel Sibony n’a pas hésité à me dire en les découvrant : « tu as eu enfin la peau de ton père ! « Peut être ai-je eu sa peau ou alors ai-je sauvé la sienne …à ma façon ?
Richard Kenigsman